Betty, de Tiffany McDaniel

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« Il y a des hommes qui connaissent le montant exact de leur compte en banque, a poursuivi Maman. Il y a ceux qui savent combien de kilomètres indique le compteur de leur voiture et combien elle pourra encore parcourir. D’autres connaissent le score à la batte de leur joueur de base-ball préféré et ils sont plus nombreux encore à savoir la somme exacte que l’Oncle Sam leur a soutirée. Ton père, lui, ne connaît rien de tout ça. Les seuls nombres que Landon Carpenter a en tête, c’est le nombre d’étoiles qu’il y avait dans le ciel la nuit où ses enfants sont nés. »

Il existe des livres qui bouleversent le fil du temps pour vous faire vivre mille vies lors de leur lecture. Qu’il est difficile alors de tricher avec le quotidien pour répondre à l’absolue nécessité de ce voyage. Camoufler le livre aux regards et vite, vite, en dévorer les pages le temps que la porte reste fermée. Et lorsqu’elle se rouvre, il est encore plus compliqué d’attribuer avec crédibilité nos yeux rougis au courant d’air ou au pollen qui s’engouffrent par la fenêtre ouverte.

Et il faut beaucoup de pollen ou de courants d’air pour lire Betty. Mais ce livre est une merveille. L’histoire magnifique de l’envol d’une jeune femme métis dans l’Amérique des années 1960, ou plutôt une ode à un père Cherokee inventeur d’histoires. Un père qui accroche des citrons aux frondaisons pour bâtir un ciel jaune parfumé, un père qui a un oiseau de verre dans le cœur et qui connaît les secrets intimes de l’univers.

Cela faisait longtemps que je n’avais vécu aussi intensément à travers les mots d’un.e autre. Alors si toi aussi, tu penses que le monde est forcément plus beau qu’il ne se présente, si pour toi la terre sous les ongles rime avec sagesse et que toucher l’humanité dans sa superbe autant que dans ce qu’elle a de plus abjecte ne te fais pas peur, cours-y, et accompagne Betty dans sa course folle. Prévois simplement de laisser la fenêtre ouverte.

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